D E S T A U R E A U X E T D E S F E M M E S |
Éditions Plaisir de Lire
Collection Aujourd'hui
Quatrième de couverture
Lorsque la faiblesse des uns croise la folie des autres, lorsque la vengeance donne lieu à une imagination morbide, que reste-t-il de la tendresse des hommes? Sans donner de réponse, l’auteure explore le côté sombre des individus. Dans un même temps, et c’est peut-être ce qui fait la force de ce recueil, on est ému par des personnages qui sont heureux dans l’instant; celui du désir, de la chair, du présent à vivre ici et maintenant, sans se préoccuper de ce qui pourrait se passer après…
Une écriture piquante et provocante… serait-ce une marque de fabrique?
Vous avez frissonné à la lecture d’Un Fauteuil pour trois (Éd. Plaisir de Lire, 2009)?
Eh bien, frémissez maintenant.
2010 - 20 Nouvelles - 246 pages
Nouvelles extraites du recueil des taureaux et des femmes
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La Lisette | Le fantasme du curé | Le sermon du père Fides |
LA LISETTE
« Il a de la chance, celui dont la femme meurt, mais il n’a pas de chance, celui dont la vache meurt. »
Il l’observait depuis un moment et décidément, il trouvait qu’elle ressemblait de plus en plus à la Grisette... la Lisette. Assis sur la vieille chaise à bascule, la pipe serrée entre ses dents jaunies, il se balançait au rythme de ses pensées. Les seules indications de sa présence étant le couinement caractéristique que faisait la chaise, et la fumée âcre qui s’élevait au-dessus de lui. Du coin d’ombre où il s’était retiré – la canicule sévissait dehors et l’avait temporairement chassé de ses champs – il la regardait évoluer dans la cuisine. Elle se déplaçait lentement, pesamment, sans grâce ni légèreté ; son pas traînant raclant de ses sabots de bois les pierres rugueuses qui faisaient office de carrelage à la ferme. Elle allait tranquillement de l’évier à l’armoire, occupée à des tâches dont il ne voyait pas l’utilité. Il pensa in petto, qu’elle ne faisait pas grand-chose la Lisette dans cette ferme qu’il avait, lui, le Vieux comme elle disait, presque bâtie de ses mains. Une fois de plus, elle remonta le bas de son tablier pour s’y essuyer les mains dégoulinantes de l’eau de vaisselle. Elle se cambra légèrement et porta les deux mains sur ses reins qu’elle massa doucement. Sur son visage large et lunaire, une grimace apparut. Il savait qu’elle avait mal au dos, mais jamais au monde il ne l’aurait plainte ; s’il l’avait fait pensait-il, elle aurait certainement encore moins travaillé. Une femme qui se plaint, c’est une chose, mais une femme que l’on plaint c’est ingérable. Il savait toutes ces choses, le Vieux. Il les avait apprises au fil du temps, en observant les bêtes, les siennes et les autres. La Lisette, pour lui, c’était comme les bêtes, elle était faite pour la corvée qu’il disait et elle connaissait sa place tout comme elles... il y avait veillé « faut dire ». La Lisette, en fait, c’est lui qui l’avait formée et il en était fier... elle, pourtant, ne l’avait jamais remercié. C’était une ingrate la Lisette, pensait‑il, elle n’acceptait pas son destin. Elle se voyait autrement, elle disait qu’elle aurait pu être autre chose avec un autre, ou ailleurs. Balivernes ! La Lisette, comme la Grisette et les autres, étaient toutes faites pour le labeur et... l’abattoir. La pensée était venue toute seule, naturellement, sans qu’il puisse la retenir. Elle le gêna tout de même un peu mais il pensa aussitôt, pour soulager sa conscience et minimiser cette monstrueuse idée, « On y passait tous de toute façon non ! ». Et pourtant ses bêtes c’était quelque chose ! Ah ! Ses vaches comme il les aimait ! Particulièrement la Grisette qui venait toujours frotter sa grosse tête sur son épaule. Et instantanément il vit briller dans son esprit le regard marron et profond de la Grisette, si placide... et il ne put s’empêcher, à nouveau, de regarder vers la Lisette. Elle aussi, elle avait ce regard doux et bovin si nature. Cette même façon de donner des petits coups de tête quand il s’approchait trop près et qu’il la cherchait, quand la nuit sous les draps tièdes il se frottait contre son corps à la chaleur animale, forçant sa volonté... Perdu dans ses pensées grivoises, il n’entendit pas tout de suite qu’elle l’appelait : - Eh ! le Vieux, qu’est-ce que tu veux pour la soupe ce soir ?
Nouvelle lue à la radio le 27 mai 2011: lien RTS 1er prix nouvelle - Poètes de la Cité le 20.3.05 |
Extrait Il ne pensait plus qu’à « ça » le bon curé de Jolimont. Il n’avait plus rien d’autre dans la tête. Depuis qu’il l’avait vue dans un magazine spécialisé, elle lui envahissait complètement, intégralement l’esprit ! La photo avait pris place au fond de sa conscience et pareille à l’écran de veille d’un ordinateur, apparaissait dès qu’il était inoccupé. Cela le perturbait au plus haut point. Il en souffrait beaucoup. Lui, si probe, si droit, si assoiffé de pureté était hanté par un fantasme dont il n’osait même pas formuler le nom. Que lui arrivait-il ? Jamais il ne s’était trouvé dans une situation semblable. Il se sentait mal face à Son Seigneur. A tel point qu’il n’osait plus Le regarder dans les yeux quand il s’adressait à Lui. La honte le poussait à détourner son regard de la croix où il s’épanchait habituellement avec innocence. Il se sentait indigne et les pensées qui habitaient son âme, désormais entachée, lui paraissaient comme autant de trahisons et de forfaitures envers son Dieu. Il en concevait une grande tristesse. Où étaient passées sa franchise et son honnêteté ? Il ne se reconnaissait plus. Il songea que tout avait commencé le jour où il avait décidé de ranger le grenier de la cure. C’est là, dans un vieux carton abîmé, qu’il avait trouvé la fameuse revue. Il se souvenait qu’il était fatigué et qu’il s’était assis un instant pour la feuilleter, sans penser à mal. Il regardait ça comme il aurait regardé autre chose, le temps de se reposer un moment. Tout ça ne l’intéressait pas ; d’ailleurs n’avait-il pas fait vœu de chasteté et de pauvreté ? Et puis tout à coup, au fil des pages, une photo particulière avait attiré son attention. Oh ! Pas n’importe quelle photo puisqu’elle représentait en quelque sorte la quintessence de l’idéal qu’il avait dans le coeur depuis de longues années, depuis son adolescence en fait ; vieux fantasme jamais assouvi et dont il savait pertinemment, aujourd’hui, qu’il ne devait ni ne pouvait le satisfaire. C’est à cette seconde précise que tout avait basculé. Il l’avait nettement ressenti ce petit pincement au cœur né de cette envie impossible, cette trouble convoitise qui s’était soudain infiltrée au plus profond de son âme. Il n’était pas dupe, ni homme à désavouer son ressenti. Il savait parfaitement que ce n’était pas la gazette qui posait problème. Non, c’était lui le problème. La vision de cette image avait brusquement rouvert en lui des portes qu’il avait condamnées depuis longtemps. Des portes par lesquelles s’engouffrait maintenant toute une partie du monde à laquelle il croyait avoir renoncé. Dire qu’il imaginait avoir dépassé certaines « exigences et servitudes naturelles ». Quelle vanité ! Il avait subitement pris conscience de son aveuglement et du chemin qui lui restait encore à parcourir. Quelle prétention que d’avoir imaginé pouvoir contenir dans son esprit la multitude de sentiments qu’il refoulait depuis des années. Ils l’investissaient à présent et faisaient vaciller l’édifice de certitudes sur lequel il s’appuyait depuis trois décennies. Il se croyait fort, à l’abri de ce genre d’émotions. Quelle leçon ! Quelle ironie ! Il était faillible. La belle façade qu’il avait patiemment élevée entre lui et le monde s’écroulait et le mettait soudain face à ses démons intérieurs. « Ah, Seigneur ! interrogea-t-il, suis-je donc si peu de choses qu’un minuscule détail puisse ainsi me plonger instantanément dans les affres des ténèbres et du doute ! Où sont donc ma force et ma foi ! » Il se remettait en question. Tout se délitait. Lui échappait. Il devait continuer à lutter et à lutter encore. Nouvelle lue à la radio le 17 mai 2012 : lien RTS. |
Texte intégral — Arrête ! Arrête ton cirque sinon ça va mal finir ! Je te préviens, dit-il d’une voix menaçante en me regardant d’un œil torve, si tu continues comme ça, c’est sûr que demain je suis prêt pour la corrida ! — T’es vraiment nul ! Et la concordance des temps ? — Quoi ! La concordance des temps ? — Si tu dis demain c’est donc le futur qu’il faut employer ! Pas le présent ! On doit dire : demain je SERAI prêt pour la corrida ! — Je t’en ficherai du futur, madame je sais tout ! Mais t’as raison ! Je suis déjà fin prêt ! Pas besoin d’attendre demain. C’est tout de suite qu’elle va commencer la corrida, cria-t-il en essayant de m’attraper le bras ! — Non ! C’est tout de suite qu’elle commence, abruti ! Cette fois tu dois mettre le présent ! hurlais-je en me sauvant. J’entendis un grand bruit de vaisselle cassée derrière moi et le sol trembler sous sa colère. Sans demander mon reste, je m’engouffrai dans le couloir et dévalai les escaliers. Mais la maison était vaste et de nombreux escaliers et couloirs en quadrillaient l’espace. Soudain il fut devant moi. — Olé ! lui criais-je, ironique ! esquissant la pirouette du toréador avant de remonter quatre à quatre les marches de l’escalier. Je l’entendais fulminer derrière moi, et un bref regard en arrière me fit comprendre aux lueurs assassines qui allumaient ses yeux, que j’avais à présent un véritable taureau à mes trousses. Un frisson de plaisir me parcourut l’échine et une décharge d’adrénaline me donna des ailes pour lui échapper. — Oups ! Presque parvenue en haut de l’escalier, sa paluche énorme m’enserra la cheville et je chutai ! — Aïe ! Mon menton cogna fortement sur la marche et je lâchai un juron. Folle de rage soudain, je me retournai et lui tapai sur la tête. Il relâcha son étreinte sous mes coups et j’en profitai pour bondir vers le palier. — Ah, la vache ! cria-t-il. Tu vas pas t’en tirer comme ça ! L’appartement était grand mais fatalement je me retrouvai dans la cuisine où gisaient pêle-mêle les restes du souper et les débris de la vaisselle cassée. — Ah ! Ah ! ricana-t-il, en surgissant en sueur sur le pas de la porte. T’es coincée ma belle ! Je tentai de m’esquiver sur le côté, mais il écarta les bras pour m’empêcher de m’enfuir. Prise de court, je cherchai comment lui échapper tout en entamant avec lui une ronde autour de la table renversée. Yeux dans les yeux, nous nous regardions fixement en tournant lentement, nos pieds crissant sur les bris de verre qui jonchaient le sol. Soudain, ma main effleura la nappe qui traînait par terre. Ni une ni deux, je la tirai d’un coup brusque et telle une muleta la fis violemment claquer devant lui. — Olé ! fis-je bravement, en le toisant d’un regard narquois. — Olé ! répondit-il aussi sec, fonçant tête baissée dans le tissu dégoulinant de vin et… m’emportant dans son élan. Nous nous écrasâmes dans un grand bruit au milieu de la cuisine et éclatâmes aussitôt de rire. Alors, tu n’as plus rien d’un fier matador, couchée comme ça sous moi, dit-il en m’écrabouillant encore un peu plus. Dois-je aller quérir, chère madame je sais tout, le picador du deuxième, ou te donnerais-je moi-même l’estocade finale ? Tu vois, reprit-il avec afféterie, comme je sais bien m’exprimer quand il faut ! La concordance des temps est-elle à ton goût ? Bon ! Ça va ! soufflai-je avec difficulté. Cesse de faire le matamore, et aide-moi plutôt à me relever. Pour l’estocade finale, inutile d’en rajouter, j’ai déjà le dos crépi de banderilles de verre ! Il me regarda avec un drôle de sourire, puis accentuant soudain sa pression sur moi, il lâcha tout à trac : et si demain on RECOMMENCERAIT la corrida ! Il avait anticipé ma réaction et avant même que ne fuse la répartie cinglante qui me brûlait les lèvres, il écrasa sa bouche sur la mienne dans un baiser passionné, me clouant le bec ! Cette fois, la concordance fut parfaite ! Haut de page |
Extrait Monsieur Herbert a soixante-sept ans. Il est à la retraite. Il habite à proximité des casernes d’une petite ville de garnison : nostalgie du temps où il était major instructeur à l’armée. Il aime l’ordre et la discipline. C’est un homme très, très pointilleux. Il n’aime ni le désordre, ni la saleté. Lorsqu’il se cure les ongles, par exemple, il y passe au moins deux heures. Il se brosse d’abord les mains avec soin pendant vingt minutes puis, à l’aide d’un instrument spécial, il enlève les cuticules qui bordent chacun de ses ongles avec une méticulosité qui confine à la paranoïa. Si par hasard le téléphone sonne pendant qu’il fait son soin, déstabilisé, il recommence le processus depuis le début. Herbert n’a pas d’amis. Il n’a pas le temps. Il est tellement méticuleux, tellement maniaque que chaque chose qu’il entreprend l’occupe pendant des heures. Il faut dire que Herbert ne supporte pas, mais alors pas du tout que les choses ne se déroulent pas à sa guise. Tout doit aller droit. Tout doit marcher comme il l’a prévu : à la baguette. Il est intransigeant et cassant tout comme il est grand et sec. Dans de telles conditions et avec de pareilles exigences, comment Herbert pourrait-il se faire des amis ! Il se tient raide comme s’il avait un portemanteau dans le dos. Dans son visage gris et fermé, son regard sévère est chaussé de petites lunettes cerclées d’argent. Ses gestes sont saccadés : il avance pareil à un automate qu’on aurait remonté pour une vie. Par intermittence, des tics nerveux parcourent son visage qui tressaute inopinément. Avec son allure sentencieuse et sa démarche guindée Herbert n’a pas l’air commode du tout. Il organise sa vie à la minute près. Rien n’est laissé au hasard. Il a horreur du hasard. Il n’a donc pas de femme évidemment. Elles sont trop inconstantes, trop imprévisibles. Il n’a que faire de leurs bavardages, de leur futilité et surtout de l’art qu’elles ont à bouleverser l’ordre établi. Ainsi vit Herbert, incarcéré dans un emploi du temps draconien et rigide qu’il s’impose lui-même, à l’abri de toute fantaisie et de tout imprévu, sanglé dans une discipline de fer qui le rassure et l’empêche de penser à sa vie. Herbert estime même qu’il est heureux ! Herbert aime cependant faire les commissions, la seule chose qui, dans son esprit sclérosé, peut s’apparenter à une distraction. Mais bien sûr, avant de faire ses emplettes, Herbert épluche et analyse avec une attention digne d’un détective ou d’un courtier de Wall Street le journal du magasin « Toutgros ». Armé de son crayon gris et chaussé de ses lunettes cerclées d’argent, il dresse méthodiquement l’inventaire de ses besoins et traque scrupuleusement les actions et les produits qu’il a prévu d’acheter. Ces jours-là, Herbert passe de major à général en chef des armées et sa cuisine présente la même effervescence qu’un mess des officiers en temps de guerre. En ce mardi matin, jour habituel institué pour faire ses provisions, Herbert est prêt. Il a rédigé sa liste d’achats en fonction des « actions » de la semaine et s’apprête à partir au magasin. Il a mis son costume gris de coupe militaire et posé un ridicule galurin sur sa tête aux cheveux drus et coupés en brosse. Il emporte avec lui deux cabas en tissus : il a horreur des sachets en plastique et des sacs en papier. Quoi de plus déstabilisant que de les voir se déchirer et répandre de façon intempestive leur contenu sur la chaussée ! Herbert est prévoyant et prudent. En outre, ses menus de la semaine sont déjà tous planifiés car de manière systématique, une fois sa note de commissions établie, il compose ses repas en fonction des offres hebdomadaires. Ce soir, il a prévu de dîner avec des foies de lapin et une salade de rampon, en action à 2.70 Fr. au lieu de 3.10 Fr. les 100g. En consommateur avisé, Herbert connaît le prix de tous les articles qu’il achète. Il n’est pas pingre, il est économe. Aussi, en vertu de cette qualité, Herbert sait-il à tout moment le montant de son économie sur un produit en promotion. Arrivé au magasin « Toutgros », Herbert se dirige sans hésitation vers les produits convoités. Il connaît le supermarché comme sa poche. D’ailleurs, par souci d’efficacité et gain de temps, il a dressé une carte de toutes les allées qu’il a répertoriées par catégories de marchandises. Il s’efforce de tenir ce plan à jour, mais à chacune de ses visites il constate des changements et cela le contrarie énormément. Cela l’oblige à modifier constamment sa carte et occasionne surtout une perte de temps considérable dans la recherche des produits déplacés. Herbert maudit régulièrement le gérant du magasin qui, en vertu de stratégies de marketing plus qu’abstruses, pour un cerveau logique comme le sien, a fait de l’inconstance une règle absolue. Nouvelle lue à la radio les 7 et 15 janvier 2011 et le 25 mai 2012 : lien RTS |
Texte intégral — Puisque les autres méthodes n’ont rien donné jusqu’à présent, nous allons procéder par associations aujourd’hui. Non, ne vous alarmez pas, vous verrez, l’idée est simple. Je vais vous donner le premier mot et vous l’associerez avec tout ce qui vous viendra à l’esprit. Ne cherchez pas, ne réfléchissez pas, les associations doivent se faire spontanément, naturellement. Si je sens que vous vous bloquez, je vous donnerai un deuxième mot et ainsi de suite. Pour que vous puissiez vous immerger plus profondément dans vos souvenirs, je vais vous aider à vous relaxer avec un petit exercice d’autohypnose. Voilà, je vous sens bien détendu, la séance peut débuter. Je commence donc, voici le premier mot : vache. - Je, je vois du lait. Beaucoup de lait. Il gicle à grands jets mousseux dans un seau en fer… Une dame âgée, ma grand-mère ? me regarde en riant de toutes ses dents. Elle dirige le pis de la vache vers moi et m’asperge le visage de lait. Je ris aussi. Dehors il fait bon. Les draps claquent au vent et je sens l’odeur de la lessive me chatouiller les narines. C’est le printemps. Tous les arbres fruitiers sont en fleurs dans le verger. Je m’essuie le visage dégoulinant de lait avec ma main. Puis je lèche le lait qui reste sur ma paume… je lèche ma paume… je, je… — Nuages. - Je… marche sur un chemin parsemé de cailloux. Je porte un bidon de lait à la main… L’air est doux. Je m’assieds sous un arbre et je regarde passer les nuages. On dirait des voiliers sur l’océan bleu du ciel… J’entends jacasser les pies et j’imagine que ce sont des mouettes ou des albatros. Je repars sur le chemin en sifflotant. Je me sens bien. J’ai toujours le bidon à la main. Il me gêne. J’aimerais être libre de mes mouvements. Je regarde les petits agneaux dans le pré. J’aimerais les caresser. Toucher leur laine neigeuse. Leurs bêlements se mêlent aux cloches qui sonnent dans le lointain. Les cloches… leur incessant carillon… J’ai le cœur qui bat plus vite soudain… je n’aime pas le dimanche…. la messe… le catéchisme… l’a… J’ai froid brusquement, envie de vomir… — Aube — Communion. Encens ! Je suis dans l’église. L’odeur de l’encens m’écœure. Le curé balance l’encensoir de gauche à droite dans la nef en marmonnant sa litanie. Des communiants remontent l’allée centrale. Je suis au milieu d’eux. Pourquoi l’abbé me regarde-t-il comme ça ? Il y a plein de lys partout. Je suis pâle et triste. Je vois ma mère qui me regarde. Elle est triste aussi. Elle pleure. Elle est vêtue de sa robe de mariée et elle me tient dans ses bras. Mais je suis tout petit et c’est mon baptême. Le curé me verse de l’eau sur la tête et je pleure. Je n’aime pas ce qu’il me fait… pas ce sentiment d’être mouillé… J’ai du lait plein les jambes maintenant… pourquoi ? Je cours… j’ai peur. Le bidon tape contre mes mollets et le lait coule sur moi… Le ciel s’est obscurci d’un seul coup. Il tonne. Un éclair m’éblouit. Je cours pour me cacher mais un orage de grêle s’abat sur moi… J’ai peur et froid… Un fantôme surgit soudain derrière l’arbre où je me suis réfugié. Mon cœur bat à tout rompre. Je me lève. Cours. J’ai toujours mon bidon de lait bien serré dans ma main. Mais le fantôme est plus rapide. Il m’attrape les jambes. Je tombe. Je hurle. Le bidon gicle devant moi et le lait se renverse sur la terre. J’ai le visage dans la grêle et dans le lait. Je crie. Je me débats. Mais le fantôme me plaque au sol. Il me menace, m’insulte, me frappe, me damne. Il me dit de me taire. Qu’il va me faire la peau sinon ! Que j’irai en enfer ! Je ne le vois pas. Il est sur moi. Il m’écrase. Grogne. M’arrache mon bermuda. Me dit de me laisser faire. Que ça sera vite fait. Et puis cette intrusion immonde. Cette dévastation de mon enfance. Je hurle de douleur. Il jette sa cape sur ma tête pour atténuer mes cris. Je pleure. J’étouffe. Je fais pipi sous moi. L’urine se mélange aux grêlons, au lait, à autre chose de dégoûtant et de gluant. Je vomis. Il se relève. Me jure de me tuer si je parle. Reprend sa cape. Puis s’enfuit… Je vois ses chaussures… noires… et le bas de son vêtement… noir et je comprends que ce n’est pas un fantôme. Je ne peux plus bouger. Les relents du vomi et une autre odeur que je n’arrive pas à déterminer me soulèvent le cœur. Tout devient noir… J’entends encore les cloches au loin… un mouton bêle… un rayon de soleil caresse ma peau… les cloches… l’église… une forte odeur d’encens flotte autour de moi… A nouveau de violents haut-le-cœur me secouent. L’angoisse… le froid… le néant. Et puis un éclair éblouissant dans les yeux. Les gendarmes. Mes parents blêmes. L’ambulance. Le scialytique… les médecins… l’hôpital… les psys… les questions… le bidon de… — lait ! — Non, non ! Je déteste le lait ! Je déteste l’hôpital, je déteste les lys, je déteste les psys. Je déteste tout, tout ce qui est b… tout ce qui est bl… — Tout ce qui est comment ?? Allez courage, dites-le ! Tout ce qui est comment ? — Tout ce qui est bl… tout ce qui est BLANC ! BLANC comme la neige, BLANC comme le lait, BLANC comme les nuages, BLANC comme le, comme le… — Comme le quoi ? Dites-le ! Vous y êtes presque ! — Comme le, comme le sperme !!! Le mot avait jailli du plus profond de son être et il tremblait de tout son corps. — Vous avez réussi, dit le psychiatre d’une voix douce. Vous avez enfin fait sauter le verrou ! Allez dites-le, redites-le encore ce mot honni ! Montrez qu’il ne vous fait plus peur ! — Bl.., blan…, Blanc, BLANC ! cria-t-il avec colère. BLANC ! Le blanc ne m’effraie pas ! Le blanc ne m’effraie… Sa voix se brisa soudain et il se mit à pleurer à gros sanglots sur le divan... comme un petit enfant.
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Texte intégral — Mes frères, mes très chers frères, en vérité je vous le demande, qu’est-ce que la nudité ? N’est-elle véritablement que ce dépouillement du corps dont on anathématise la chair ? N’est-elle que l’exposition de cette intimité que l’on sacralise ou stigmatise selon qu’on se trouve dans un musée ou un confessionnal ? Ou que l’on marchande ou négocie selon que l’on fait commerce du matériel ou du spirituel ? — Doit-on, sous prétexte que nous sommes le plus souvent incapables de maîtriser nos pulsions, projeter et cristalliser sur le corps nu, nos névroses, frustrations, inhibitions, troubles et perversions de toutes sortes ? Qui peut prétendre répondre simplement à cette question ? Trop d’émotions violentes, de sentiments, de complexes, de culpabilité, de honte et de tabous sont encore liés à cet état. Et pourtant, en vérité je vous le dis, la nudité du petit enfant est innocence. Elle est le rappel de la vulnérabilité de chacun, l’état naturel d’un corps sans artifice et sans ornement qui appelle amour et protection. Hélas, il faut bien le reconnaître, la libéralisation des mœurs, la prostitution tous azimuts et la montée écœurante de la pornographie sont venues pervertir et dénaturer l’état de nudité, chosifiant le corps et le ravalant à l’état de marchandise. — Oui, mes frères, le corps humain nu se vend bien, très bien même, et tous en veulent une part ! Le monde d’aujourd’hui est un monde de putains, mes frères ! Un monde cannibale où les riches dévorent les pauvres et les pauvres sucent les riches. Et si quelques-uns se veulent les rédempteurs et les gardiens de ce temple corporel, la plupart ne pensent qu’à l’acheter ou le vendre. La protection n’est désormais plus l’apanage des seuls proxénètes, elle s’exerce partout : au cinéma, dans les médias, dans la publicité, à la télévision, et surtout sur Internet. Tous ensemble, dans un bel élan consumériste, se damnent de concert pour soutenir la grande prostituée, la nouvelle Babylone ! Et s’il est vrai que l’Église, la morale, la conscience ou les lois ont un temps contenus la pornographie, telle une araignée obscène, elle s’est maintenant réveillée, stimulée par le Net. Sous l’afflux des hommages qui affluent, elle ne cesse de grandir et d’engraisser. Et elle s’épanouit, étendant sa toile sur le monde, piégeant toujours plus de proies, se nourrissant de leurs vices et de chaque regard de curiosité malsaine. — Oui, mes frères, devenue la véritable déesse du troisième millénaire, le monde lui offre dorénavant une place prépondérante. Un droit de cité. Il lui voue un culte vénal et protégé et lui érige des temples corrompus où l’on accède par réseaux. Et il est vrai encore qu’en son indigne nom, on débauche, on salit et on pervertit la nudité. — Mais au nom du ciel, mes frères ! je vous le répète CELA N’EST PAS LA NUDITE ! La nudité est grâce et candeur. Elle est don et offrande. Elle est le visage de l’Amour Véritable. L’essence de l’Être ! — Oh non ! mes chers frères, cela n’est que perversion et utilisation du corps. C’est dénier sa sacralité et sa divinité pour mieux en abuser et en faire commerce. Il n’y a là que désir de rentabilisation et de profit. Le dessein est de chosifier, de rabaisser, d’anéantir le corps ! Tout cela pour occulter sa vraie nature qui est innocence mes frères ! Innocence… Car suffit-il de se déshabiller pour se mettre à nu ? Et la nudité révèle-t-elle vraiment notre intimité ? Et qu’est-ce l’intimité ? Que faut-il cacher et que peut-on montrer ? Et pourquoi montrer… quand l’essentiel est invisible pour les yeux… En vérité, je vous le dis, la nudité est innocence mes frères. Adam et Eve étaient nus dans le jardin d’Eden et ils n’en éprouvèrent point de honte tant qu’ils agirent comme des enfants. Et les anges du ciel ne sont-ils pas nus au cœur de l’empyrée ? La nudité compromet-elle leur innocence ? La pervertit-elle ? Vous êtes tous enfants de Dieu mes frères, et tous vous possédez cette pure innocence. Votre intimité lui est connue, offerte, et pareils aux petits enfants vous n’avez pas à rougir de votre nudité devant votre Père. Pour Lui ne vous êtes-vous pas déjà dépouillés de tout ? Il connaît votre cœur, votre âme et son amour inconditionnel vous protège des tentations et vous enveloppe de sa pudeur. Il voit à travers vous. Plus rien ne peut altérer votre pureté. Pensez au Christ, à la Passion et à sa crucifixion. Pensez à son calvaire, à son exposition devant la foule hostile et assoiffée de sang. Oh ! mes frères, vous exposer ainsi serait un acte de foi authentique : un dépassement de ce qui est visible pour aller vers l’invisible. Ce serait transcender l’apparence, la faire disparaître au profit de votre véritable essence et partant ce serait rejoindre le cœur même de Dieu ! Mes très chers frères, voilà pourquoi, au nom de notre Seigneur mort sur la croix dans la plus simple nudité pour le salut des hommes, je vous demande d’accepter, à votre tour, pour le salut de notre communauté, de poser nus pour le calendrier de Pâques !
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Texte intégral Une fois de plus, tous les hommes jeunes, valides et virils étaient partis combattre. Ne restaient dans le camp déserté que quelques vieillards infirmes et prostatiques. Pas de quoi réjouir le cœur de Kim et encore moins la faire jouir. Bien qu’ils n’eussent jamais accepté une telle idée, les hommes du clan Lalesh, elle en était convaincue, préféraient guerroyer à grands coups de sabre en tranchant à vif dans les chairs de leurs congénères, plutôt que de tremper leur glaive de chair dans l’intimité humide et vivante de leurs femmes, trop souvent inassouvies. Kim soupira. Liée à dix sept ans à Dargon par le rite ancestral de l’union, elle pouvait compter sur les doigts de ses deux mains les quelques fois où ils avaient été ensemble et fait l’amour. Entre les guerres, les batailles et les emprisonnements, le temps passait vite. Elle avait maintenant vingt ans et son corps jeune et vigoureux se consumait dans une attente inhumaine. Par ses étreintes, Dargon avait éveillé en elle un désir puissant et ardent qui ne cessait de croître, mais hélas, qu’il ne pouvait satisfaire puisqu’il n’était jamais là. La solitude et l’ennui ne faisaient qu’exacerber son impérieux besoin. Kim n’en pouvait plus. Elle en avait assez de soupirer après le retour éventuel et occasionnel de son amant. Cette attente la rendait folle. Elle devait absolument trouver le moyen de combler le vide qu’elle ressentait en elle et d’apaiser le feu qui enflammait son ventre. Kim prit sa décision et se dirigea d’un pas allègre vers la case de Ghilam, l’eunuque, sise à l’entrée du village. Après tout, elle le savait, elle n’était pas la première et sûrement pas la dernière à venir le trouver pour lui demander ce service. En chemin, elle croisa Elhaime qui lui sourit d’un air entendu. Les femmes du clan étaient suffisamment avisées et solidaires pour ne pas trahir un secret qui les ravissait toutes. Elles savaient tenir leurs langues lorsqu’il le fallait. A ce propos, Kim se demandait souvent comment les hommes étaient faits. Leurs yeux et leurs oreilles ne leur servaient-ils, en définitive, qu’à voir et à entendre l’ennemi approcher ? Ils ne percevaient donc rien des subtilités propres aux femmes ? Véritablement, ils n’avaient que cinq sens quand les femmes en avaient six ! Tout en marchant, elle songea au destin étrange de Ghilam. Surpris par son maître alors qu’il était en pleins ébats avec une servante, ce dernier l’avait cruellement castré d’un coup de sabre. Le maître n’avait pas tué Ghilam, il l’avait humilié, déshonoré. En lui tranchant les organes, il l’avait coupé de sa condition d’homme, l’avait réduit à l’état de… femme et cela, tous le savaient, était pire que la mort. Par cet acte, il avait voulu montrer à chacun que la servante était sa propriété au même titre que les bêtes et les objets qui se trouvaient dans sa demeure et qu’aucun homme, à fortiori un esclave, ne pouvait impunément lui voler sa possession. Il avait agi en prédateur. En émasculant Ghilam dans la force de l’âge, le maître avait voulu marquer son territoire, manifester sa suprématie et se rassurer sur sa propre virilité. Car Ghilam, en couchant avec la servante, avait remis en cause sa place de mâle et de maître tout puissant. Il fut donc puni et jeté au cachot pour cet affront. Puis, ce fut sa chance, une guerre tribale avait éclaté dans le village où il pourrissait et Ghilam avait été libéré par les guerriers du clan Lalesh, victorieux. Emmené comme esclave, Ghilam avait vite su se faire apprécier. Intelligent et débrouillard, le chef du village, ravi lui aussi de ses services, l’avait finalement affranchi au bout de quelques lunes. Confiance suprême, il lui avait même confié la tâche de veiller sur le camp et sur les femmes en son absence. Un homme, même castré, faisait toujours plus sérieux qu’une femme normalement constituée à l’entrée d’un village. Et pour jouer l’épouvantail de service, ces attributs n’étaient pas vraiment utiles : sa haute stature et les armes suffisaient. Pour sûr, le chef n’avait aucune crainte de le voir tourner autour de ses femmes et il ne doutait pas un instant que celles-ci puissent être attirées par un eunuque. Dans ce pays déserté de mâles les trois quarts du temps, il fallait bien reconnaître que ces dernières n’étaient pas du genre farouches et faisaient feu de tout bois. Avec Ghilam le chef était rassuré : à part les dieux domestiques, ce dernier ne pouvait plus honorer grand-chose. Ainsi, les femmes étaient bien gardées et tout le monde était content. Sauf que, bien que Ghilam n’en eût plus, il était fort courageux et n’avait pas la langue dans sa poche. Selon les femmes, il la maniait d’ailleurs avec une si grande habileté que Kim se mit à sourire. Elle arriva enfin devant la hutte de l’eunuque. Son cœur battait légèrement la chamade. Avec une légère appréhension, elle se demandait comment aborder le sujet lorsqu’il surgit devant elle, une serpe à la main. Elle sursauta. Grand et bien bâti, ses muscles saillaient sous la peau cuivrée et luisaient de la transpiration due à l’effort. Il la regarda attentivement. Kim soutint son regard. Tout fut dit. Il jeta un œil autour de lui, déposa son outil sur le tas de branchage qu’il était en train de tailler, puis s’effaça pour la laisser passer. Ghilam sortit une peau de léopard d’un coffre sculpté et en recouvrit une sorte de fauteuil en bois. Avec des gestes lents, il essuya avec une étoffe la sueur qui perlait de son torse puissant et invita Kim à s’asseoir. Soudain troublée par l’eunuque, elle hésita et jeta un regard en direction de la porte. Elle pouvait encore s’en aller. Ghilam, qui la suivait de ses yeux noirs et pénétrants, sentit son indécision. Il s’approcha doucement d’elle. Il avait l’habitude. Elle recula d’un pas. Doucement, il la guida vers le fauteuil. Kim sentit ses jambes se dérober sous elle. Les femmes n’avaient pas menti, cet homme avait un pouvoir extraordinaire. Par la seule force de son regard, doux et profond à la fois, il parvenait déjà à l’immobiliser. Elle frissonna. Non, elle ne partirait pas, il était trop tard maintenant. Il fallait qu’elle aille jusqu’au bout. Elle voulait savoir. Elle lui délierait la langue. Ghilam sourit, elle était comme les autres. Il voyait dans ses yeux ce qu’elle attendait de lui. Il savait pourquoi elle était venue. Il le lui donnerait. Toutes ces femmes le méritaient. Il était si fier de pouvoir leur apporter ce qu’elles recherchaient toutes. En vérité, il aimait le leur donner et le plaisir qu’il y prenait était immense, bien plus grand que le leur. De plus, sa jouissance à leur offrir ce qu’elles venaient si humblement demander le comblait de joie et le réjouissait. Oui, les femmes du village étaient bien gardées. En dépit de l’absence des hommes, elles s’épanouissaient. Il savait veiller sur elles avec patience et douceur. Il les comprenait si bien, maintenant... Kim, fascinée, le regardait, muette, et il la contemplait lui aussi, sans parler. A quoi bon les mots. La langue qui les relierait bientôt était la plus poétique du monde, la plus mélodieuse et la plus belle de l’univers. Ghilam était un musicien et un magicien. Grâce à lui, toutes, jeunes ou vieilles, belles ou laides, devenaient entre ses mains, instruments dont il jouait avec virtuosité. Et chaque femme avait sa sonorité propre qu’il savait déceler et faire vibrer en de profonds harmoniques. Sans prononcer une seule parole, il pouvait les faire chanter toutes, alors même qu’il ne les avait jamais vues et qu’elles ne connaissaient pas sa langue. Ghilam les respectait profondément : de chacune il jouait, sans se jouer d’aucune. Il s’agenouilla devant elle et lui releva lentement sa tunique. Leurs regards se croisèrent une fois encore et Kim ferma soudain les yeux, submergée par un plaisir inconnu qui l’emporta dans un tourbillon délicieux et ascendant. Dehors, assis devant la hutte, Amarël, comme à chaque fois qu’une femme entrait chez son ami Ghilam, se mit à jouer du luth. Et comme à chaque fois, les sons merveilleux qui sortirent de la hutte s’accordèrent si bien à ceux du luth que la mélodie d’amour qui emplit l’espace sembla pincée aux mêmes cordes. Ce jour-là Amarël joua longtemps du luth et jamais encore harmonie ne vibra aussi admirablement dans les cieux. Quand Kim revint chez elle, son visage rayonnait. Désormais, comblée, elle savait également comment transcender son désir. Mais cela, vous ne l’apprendrez jamais…à moins de donner votre langue… au chat
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